dimanche 4 mai 2014

Quelle place pour le végétal aux abords routiers?

La route a aujourd'hui une image négative à cause des médias qui  nous harcèlent avec des messages sur l'insécurité routière, les encombrements, les travaux … Elle est également associée aux déplacements domicile-travail. Pourtant la route possède une belle richesse.



Article de Luc Gwiazdzinski "Eloge des bords de routes", "la route n'est pourtant pas qu'un ruban de bitume, un simple réseau technique capable de nous transporter d'un point à un autre. C'est aussi un monde habité et peuplé sur ses marges. […] Il suffit un jour de tomber en panne pour découvrir un autre univers, au bord, sur le bas coté, dans les fossés".



Les bords de routes constituent le premier plan du paysage vu par l’automobiliste ou le cycliste. Ils font le lien entre la route et son environnement. Ils représentent, en France, environ 4800km² soit la superficie des 6 parcs nationaux. Les bords de routes constituent donc des éléments essentiels de notre patrimoine naturel. De plus ces milieux sont riches au niveau de la faune et la flore si l’on ne les fauche pas systématiquement car ce sont des espaces de refuges dus à l’agriculture intensive et à l’urbanisation. Enfin ils contribuent également à l'épuration des eaux de ruissellement provenant de la chaussée et des parcelles agricoles.

Certaines études, comme par exemple celle du SETRA (Service d'Etudes sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements) ont montrés que la présence de végétation aux abords routiers pouvait influencer positivement le comportement des usagers.

Il est donc important d'adopter une gestion qui permet de concilier et d'optimiser leurs différentes fonctions, tout en préservant la sécurité des usagers.

Mieux gérer les abords routiers c'est :
  1. -          Maintenir la sécurité routière tout en abaissant les coûts d'entretien
  2. -          Etre en harmonie avec le paysage naturel
  3. -        Favoriser et mettre en valeur la diversité biologique




La faune et la flore :



Aux Pays-Bas, c’est 1/3 de la flore sauvage qui est présente dans les abords routiers. En Angleterre et en Belgique, on arrive à la moitié.
Pour la faune on a trouvé :
  • 36 espèces de papillons en Cotes d’Armor (22), soit plus de la moitié des espèces observées dans ce département.
  • 12 espèces de criquets et de sauterelles sur la commune de Vern-sur-Seiche en Ill et Vilaine (35), soit près de la moitié des espèces présentes sur cette commune.
  •  9 espèces d’amphibiens dans la même commune sur 12 présentes en Ill et Vilaine




La fauche :



Le fauchage mécanique des abords routiers est apparu en 1970 et elle s'est aujourd'hui systématisée avec la politique de "faire propre". L'investissement en matériel et en personnel a donné lieu au passage répété des machines, jusqu'à trois fois par an, le long des routes, sur des bandes de plus en plus large.

Le broyage de la végétation abouti à une banalisation du milieu et fait disparaitre des plantes annuelles et bisannuelles car elles n'ont pas le temps de monter en graine. Il fait également fuir la faune présente. De plus le fait de laisser le broyage sur place donne lieu à un enrichissement excessif du milieu et provoque l'apparition de plantes nitrophiles (aiment sols riche en azote) et indésirables comme les chardons, les orties, les armoises.... De plus ces plantes ont eu croissance importante, ce qui a pour conséquence de réaliser plus de passage avec les machines, donc un surcroît de travail.

Grande ortie
Chardon
Pendant des années, on a appliqué cette méthode, aujourd'hui elle disparait au profit de la gestion différenciée.


Les abords routiers se décomposent en 3 parties : l'accotement, le fossé et le talus.



La gestion différenciée ou fauche tardive consiste à ne pas faucher ces 3 parties en même temps pour permettre aux insectes et aux plantes de réaliser leur cycle annuel de reproduction.
L'accotement doit être fauché au stricte nécessaire, qui correspond à une moyenne de 2 à 3 fois par an, sur une largeur de 0.8 à 1.2m qui permet aux usagers d'avoir une bonne visibilité et de dégager les panneaux de signalisation. Pour maintenir la sécurité des usagers, le fauchage régulier est maintenu dans les zones dangereuses comme les carrefours et les virages.



Le fossé et le talus sont fauchés une fois par an à une hauteur de 10 à 20cm pour protéger l'habitat de la faune et pour préserver au maximum la flore.


Lors de la mise en place de cette gestion, il est important d'informer le public par des panneaux par exemple pour que tout le monde comprenne le mode de gestion qui est encore trop peu connu!




Les arbres d’alignements :



Ils furent plantés à partir de 1552 sous l’ordre du roi Henri II. La nature des ces ordres sont économique et pratique pour fournir du bois d’œuvre et du bois de chauffage. Du 19ème au 20ème siècle on plante des peupliers pour le fourrage du bétail ou la sériciculture, pour assécher et stabiliser les voies et les accotements dans les régions marécageuses. Pour éviter également que les riverains empiètent sur le domaine public, pour abriter les voyageurs du vent ou leur procurer de l’ombre dans les régions ensoleillées et pour les guider la nuit ou par temps de neige.

En 1987, la France comptait 3 millions d’arbres le long de ses routes, soit 2/3 des emplacements susceptibles d’être plantés. Aujourd’hui les départements comme la Meuse ou la Seine Maritime ont perdu entre 80 à 90% de leurs alignements d’arbres.

Ceci est essentiellement dut à un abattage intensif pour cause de sécurité routière à partir des années 1970.

En 1994, on entre dans la politique de "la route qui pardonne", qui consiste à supprimer tous les obstacles latéraux y compris les arbres.


Pourtant les arbres sont un atout à la sécurité car ils permettent de signaler les virages, les carrefours, les entrées d'agglomération, de guider et de faire ralentir les usagers en moyenne de 3 à 5km/h.




Or la suppression des arbres ne fait que déplacer le problème car il y a d'autres obstacles en bords de route, comme par exemple les fossés, les talus et les parois rocheuses.


De plus les arbres abritent de nombreux insectes et constituent des terrains de chasse privilégiés pour les chauves-souris et les oiseaux. Ils présentent aussi l'avantage d'inciter les oiseaux et les chauves souris à passer au dessus des arbres, ce qui évite les collisions avec les véhicules.


Des mesures s'imposent pour réduire les accidents dues à un choc contre un arbre :
-          réductions de vitesse sur les sections plantées avec des campagnes de sensibilisation et de contrôles
-          interdictions de dépasser  
-          intégration de la conduite sur les routes bordées d'arbre dans la formation au permis de conduire
-          ainsi que toutes les actions conduisant à diminuer l'exposition au risque (éviter la présence de jeunes conducteurs sur les routes au sortis des discothèques par une offre de transport alternative, etc).

Ces mesures ont permis à l'Allemagne de diviser par 4 le nombre de tués dans des accidents avec un choc contre un arbre entre 1991 et 2007.




En conclusion, on peut voir que les abords routiers sont une richesse floristique et faunistique. Du fait de sa superficie importante la place du végétal est indispensable pour la richesse du patrimoine. De plus nous avons vue qu'elle ne nuit pas à la sécurité des usagers. Il faut informer le public sur la gestion différencié et lancer des campagnes de sensibilisation et de contrôles sur les sections de routes avec des alignements d'arbres. L'exemple de l'Allemagne et des Pays Bas nous montre que ces méthodes fonctionnent.


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